Comment réussir l'implantation d'un ERP

Les facteurs clés de succès des entreprises tunisiennes

La version originale de cet article a paru dans la revue Le Manager

No. 75, septembre 2002, pages 38-39


Par Mohamed Louadi, PhD

 

Il existe moins de soixante entreprises tunisiennes dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 10 millions de dollars. Si le nombre total d’entreprises tunisiennes est estimé à 10 000, moins de 500 ont un chiffre d’affaires supérieur à 1 million de dollars. La base de données industrielle en ligne de l’API (http://www.tunisianindustry.nat.tn/) fait état d’un peu plus de 5.000 entreprises de 10 employés ou plus. C’est dire que l’économie tunisienne est basée essentiellement sur les PME/PMI.

 

Des 5.000 entreprises industrielles répertoriées par l’API, 2.179 sont exportatrices. C’est donc qu’elles transigent avec des partenaires étrangers majoritairement européens. Ces entreprises se trouvent souvent face à des contraintes d’ajustement technologique. Outre les exigences technologiques classiques (machineries, équipements, précédés, etc.), les diktats d’aujourd’hui concernent aussi les technologies de l’information, comme cela a été le cas de Renault imposant à ses partenaires la mise en place d’un système d’échange électronique de données (EDI).

 

Or si ces entreprises devaient se mettre à niveau, et bon nombre d’entre elles y sont déjà engagées, elles devraient, à un moment ou à un autre se pencher sur leurs systèmes d’information car, souvent, ces systèmes sont la clé de voûte des nouveaux précédés et des nouvelles habitudes qui, clairement, sont centrées autour de l’optimisation, de la productivité, de l’information et de la communication.

 

Mais toutes les entreprises ne sont pas nées égales. Si des systèmes isolés de facturation, de gestion de stock, de comptabilité ou de gestion de la paie sont encore monnaie courante, certaines entreprises ne sont dotées d’aucune informatisation. Certaines peuvent se contenter de mini-systèmes pour les quelques activités qui les caractérisent. D’autres sont à un niveau relativement avancé d’investissements en informatique. D’autres encore sont assez mures pour un passage à une étape –une vitesse- supérieure. Ces dernières en sont à un tel degré de maturité qu’elles sont allégrement en train de passer le cap de la gestion intégrée grâce à des ERP (Enterprise Resources Planning) de renom. Or ces systèmes sont parfois très chers. Et ils risquent de revenir encore plus cher si certaines précautions préalables ne sont pas prises sans compter que ces évolutions doivent être faites au rythme de l’entreprise et surtout en fonction de sa taille et de ses activités.

 

Pour les plus fortunées, celles qui ont un partenaire étranger ou un modèle étranger, la réponse est simple: adopter le même ERP. Ainsi, Délice Lait adoptera le même ERP que Danone et la STEG pourrait adopter le même ERP que EDF. De tels choix ne sont pas totalement dénués de bon sens à condition que les deux systèmes demeurent indépendants l’un de l’autre.

 

Pour d’autres, la question est de savoir ce qu’il faut faire en priorité et, surtout, ce qu’il faut bien faire pour s’assurer un minimum de chances de succès tant il est vrai que les ERP sont souvent une entreprise très risquée car c’est le devenir de la société qui peut être mis en jeu.

 

Les facteurs clés de succès de l’implantation d’un ERP en Tunisie

 

Nous avons puisé dans l’expérience de soixante seize décideurs travaillant dans trente quatre entreprises tunisiennes se partageant sept ERP différents pour dégager ce qu’ils considèrent être les facteurs clés de succès d’un ERP, c’est-à-dire, ce qu’il faut absolument bien faire pour que l’aventure ne tourne pas au désastre. Ces entreprises sont à divers stades de développement mais près de la moitié en sont déjà  à un stade opérationnel. C’est ainsi que 37 facteurs clés de succès ont pu être dégagés.

 

Parmi les premiers facteurs clés de succès les plus importants, figurent la formation tant des utilisateurs que du chef de projet ainsi qu’une bonne définition des objectifs du projet.

 

Curieusement, la formation sur les nouvelles tâches à effectuer grâce aux nouvelles fonctionnalités offerts par le système figure au dixième rang.  La collaboration étroite avec la direction générale ainsi que son engagement figurent également parmi les facteurs clés de succès les plus importants alors que celle des utilisateurs finaux n’est importante que pour 75% des participants (20ème rang).

 

Si la bonne définition des objectifs figure en bonne place, l’étude préalable et l’étude d’opportunité quant à elles, quoique mentionnées par 61% des participants comme étant importante, ne figurent qu’aux 27et 28ème rangs.

 

Alors que, par définition, tous ces facteurs sont importants, l’étude a fait ressortir que certains sont relativement plus importants que d’autres et que les plus importants ont davantage trait à la planification et à la définition des contours, limites et étendue du projet d’implantation de l’ERP.

 

Par contre, ce qui est considéré comme un défi dans le passage d’un système classique à un ERP dans d’autres contextes ne semble pas l’être en Tunisie. Ainsi par exemple, la conversion des données ne figure qu’au 13ème rang. La bonne sélection du produit n’apparaît qu’au 14ème rang. La nécessité de considérer le projet comme un projet d'entreprise et non comme un projet informatique a été mentionné par 76% des participants.

 

Conclusion

 

Les facteurs clés de succès énumérés ci-dessus sont les facteurs les plus importants pour les entreprises tunisiennes.

 

Quoique la vaste majorité des entreprises étudiées sont à un stade plus ou moins avancé de leur adoption d’un ERP, il y a beaucoup à redire quant à la perception des entreprises de ce qui est important et ce qui l’est moins dans ce nouveau type de projets. Le classement modeste de facteurs tel que « analyse des processus existants » et « compétence et disponibilité de l’équipe de projet » en 28ème et 32ème positions respectivement donne à réfléchir. A noter cependant que les participants ont eu à classer les facteurs clés de succès à partir d’une liste pré-établie, mais aucun n’a jugé bon d’en ajouter d’autres nous confortant dans l’idée que tous les facteurs importants étaient déjà inclus dans la liste.