Quand l'informatique est un facteur d'improductivité

La version originale de cet article a paru dans la revue Le Manager, le Mensuel de l'Entreprise, 

No. 92, mars 2004, page 23


Par Mohamed Louadi, PhD

Curieusement, dans le rapport intitulé Ces millions qui s'échappent, publié en octobre 2003 par Proudfoot Consulting, donnant les résultats d'une étude internationale sur la productivité des entreprises, l’informatique ressort comme un frein à la productivité (voir Productivité et investissements, L’Économiste Maghrébin, Janvier 2004, page 130).

Scrutant la productivité des entreprises dans des pays tels que l’Afrique du Sud, l’Allemagne, l’Australie, l’Espagne, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, le rapport observe que l’informatique, talonnant l’insuffisance de la planification, l’inadaptation de la supervision, le manque de motivation, mais devançant l’inefficacité des communications, représente 8% du temps improductif en 2000 et 2001 et 6% en 2003.

Le rapport relève que les pays les plus affectés, en l’occurrence l’Allemagne, la France et l’Afrique du Sud, sont justement ceux qui investissent le plus dans l’informatique. Le rapport d’ajouter que plus la technologie est présente et plus les problèmes techniques risquent de se multiplier et qu’on continue, souvent à tort, de considérer la technologie comme la panacée pour la productivité. Or, l’informatique et les  technologies de l’information ne peuvent permettre à elles seules d’exploiter la totalité du potentiel productif d’une organisation (sic!).

Les causes de l’improductivité à laquelle l’informatique contribue ont été étayées dans le rapport de Proudfoot. Elles incluent les échanges de courriers électroniques alors qu’une rencontre aurait été plus appropriée, la surcharge d’informations, l’insuffisance d’informations malgré l’abondance des données générées, le temps perdu passé à rechercher des informations mal rangées ou mal archivées, les pannes d’ordinateurs, les données corrompues à cause d’infections virales, la mauvaise communication entre les systèmes, les doublons, l’intégration d’outils informatiques à des processus existants sans analyse, modifications ou améliorations préalables.

Rares ont été les fois où ces causes ont été rassemblées dans un même rapport et ces problèmes détectés en même temps (rappelons que 1440 entreprises ont servi de base à l’étude).

Ainsi le débat est rouvert et le révisionnisme s’annonce avec peut-être les mêmes couleurs que le fameux paradoxe de Solow qui a un jour déclaré que l’on pouvait voir les ordinateurs partout sauf dans les statistiques de la productivité.

Des échanges de courriers électroniques infructueux à leur mauvaise préparation au passage aux systèmes intégrés, les entreprises tunisiennes se voient là prévenues car ce qui est arrivé ailleurs peut très bien arriver ici, à la différence que la marge de manœuvre est bien plus mince.