L'Internet des universitaires
La version originale de cet article a paru dans la revue Le Manager
No. 73, août 2002, pages 44-46
Par Mohamed Louadi, PhD
La Tunisie dispose depuis quelques temps d’une douzaine de fournisseurs d’accès à l’Internet (FAI) chacun ayant pour mission de servir au mieux la communauté à laquelle il s’adresse. Ainsi, cinq FAI sont réservés au grand public avec des services d’abonnement dont les tarifs sont régulièrement revus à la baisse. Sept autres FAI sont gratuits et réservés aux différents offices et ministères.
Tous ces FAI offrent des services variés allant du courrier électronique à la navigation Web en passant par l’hébergement de sites et les accès Telnet et Ftp, ce qui leur vaut d’être parfois qualifiés de fournisseurs de services Internet (FSI).
L’un de ces fournisseurs, le Centre de Calcul El Khawarizmi (CCK) a été
créé avec pour mission de « mettre à la disposition des enseignants, des
chercheurs, des doctorants et des étudiants exerçant au sein des institutions
dépendant du Ministère de l’Enseignement Supérieur, les moyens et les services
nécessaires pour favoriser le développement de la recherche scientifique par
l’informatique et en informatique ».
Les utilisateurs du CCK, et particulièrement ceux se connectant à partir
de leur domicile, souffrent de plusieurs insuffisances. Un bon nombre d’entre
eux se sont résignés à contracter un abonnement payant chez un des FSI privés à
la recherche d’une plus grande fiabilité de
service.
Quatre lacunes compromettent sérieusement la qualité des services
Internet dont les enseignants, les chercheurs, les doctorants et les étudiants
ont besoin pour communiquer, effectuer des recherches et préparer leurs cours
multimédia.
La première concerne les interruptions impromptues des connexions. La
deuxième concerne les vitesses de transmission suboptimales comparées à celles
des autres FSI et permises par les modems disponibles de nos jours. La troisième
concerne l’indisponibilité du serveur lors des appels par modem. La quatrième
concerne le manque de communication entre le CCK et ses utilisateurs sur ce que ces
derniers doivent savoir pour utiliser au mieux ses
services.
Les interruptions sont un critère d’évaluation
essentiel de la qualité des prestations d’un FSI. Rien n’est plus incommodant ou
contre-productif et cela est devenu encore plus fréquent ces derniers temps avec
le CCK. Ces interruptions sont d’autant plus nuisibles quand elles interviennent
au cours du téléchargement d’un fichier ou lors du téléchargement du courrier
électronique qui dans certains cas peut être à jamais perdu. L’utilisateur
serait dans ce cas bien avisé de paramétrer son logiciel client de sorte que le
courrier soit gardé sur le serveur, or cela est contraire aux recommandations du
CCK qui, on le comprend d’ailleurs, souhaite, alléger la charge de ses serveurs.
Le conseil que le CCK aurait dû donner dans le cas d’un dysfonctionnement
temporaire est d’utiliser des utilitaires tels que Go!Zilla, forts utiles dans
le cas d’interruptions fréquentes, voire le mettre dans une logithèque
accessible aux utilisateurs sur le site http://www.cck.rnu.tn/ par exemple.
Intermittentes tout au long de l’année universitaire mais devenues
monnaie courante plus récemment, les chutes des débits de connexion sont
significatives. Alors qu’avec un modem de 56K, des connexions de 33.600bps en
moyenne sont acceptables et des débits plus importants possibles, les connexions
au CCK chutent fréquemment jusqu’à 12.000bps, nous ramenant plusieurs années en
arrière.
Outre sa fiabilité, la disponibilité du service
(up-time) est un autre critère d’évaluation fréquemment utilisé pour évaluer les
services d’un FAI. Or, il n’est plus rare de tomber sur une ligne occupée en
composant le numéro du serveur du CCK. L’on ne sait si cela est dû à
l’encombrement (le CCK arbore un nombre d’utilisateurs variant entre 7.867,
selon www.mes.tn/francais/divers/cck/pagewebfr.htm
et 10.721, selon www.cck.rnu.tn/francais/html/stat2.htm)
ou à une réelle indisponibilité due à des travaux de maintenance ou à un
remplacement de matériel. L’explication donnée récemment au téléphone est qu’une
ligne est en panne. Mais, encore une fois, cette information n’est disponible
que si l’on téléphone au CCK, c’est-à-dire lorsqu’on ne doute pas de sa propre
configuration ou de sa ligne de téléphone.
Le CCK émet régulièrement, par le biais d’un
service « assistance », des informations sur des manifestations
scientifiques et des séminaires d’un grand intérêt pour la communauté
scientifique et académique tunisienne. Il n’est pas rare non plus qu’il
communique également des interruptions de service et ce, suffisamment à l’avance
pour que la communauté prenne ses dispositions.
Ce que le CCK ne communique pas c’est les changements qu’il opère et qui
peuvent affecter ses utilisateurs. C’est ainsi que depuis quelque temps, une
couche de sécurité supplémentaire a été ajoutée de sorte que l’utilisateur doit
décliner son login et mot de passe une fois de plus avant de pouvoir jouir des
services Internet. L’initiative est louable. Mais elle a eu des conséquences
inattendues. Surtout sur des utilisateurs qui n’utilisent pas nécessairement et
systématiquement un navigateur étant entendu que l’invite du mot de passe ne
s’affiche que par ce moyen. Pour les autres services, telnet, ftp, messagerie,
etc., l’accès devient tout simplement et tout subitement impossible. Par voie de
conséquence directe, les utilisateurs sont confus et plusieurs croient, à tort,
que le CCK a interrompu ses activités en raison de la saison estivale.
Prévenir les utilisateurs de ce changement aurait été plus simple. La nouvelle procédure complique bien des choses et ne résoud sérieusement aucun problème de sécurité, les login et mots de passe étant les mêmes. La procédure est rallongée et même la facture de téléphone pourrait en souffrir à la longue. L’impact sur ceux disposant de plusieurs comptes autres que ceux du CCK est même plus grand puisque l’accès à ces comptes pour le courrier électronique devient encore plus compliqué, voire impossible compte tenu du nombre de SMTP et de POP impliqués. Or l’affaire de l’informatique, est justement de simplifier les choses. L’affaire d’un FSI est également de rendre l’accès à l’Internet le moins complexe possible.
Conclusion
Les services du CCK sont certes gratuits et les utilisateurs ne devraient peut-être pas s’attendre à une qualité globale de service telle que disponible chez les autres FSI, notamment commerciaux. Mais ce qui fausse la donne c’est l’appellation que le CCK réserve à ses utilisateurs qu’il qualifie de « clients » dans son site sans compter qu’avec la qualité des prestations offertes, le CCK peut revenir plus cher à la longue que ses alternatives commerciales.
Mais le fait que le CCK ne réponde pas à des messages ou à des requêtes adressés à son service assistance, conjugué avec la mise en exécution ou le changement des procédures de connexion sans en aviser ses clients laisse le membre d’une communauté qui a été la première à utiliser l’Internet dans ses heures de gloire pensif.
A l’ère que la communauté parle d’enseignement non présentiel et de
multimédia, il sera peut-être bon que les choses s‘améliorent un peu pour les
professeurs, chercheurs et autres, qui dépendent dans une large mesure de
l’Internet. Quoi de mieux que le site http://www.cck.rnu.tn/ pour communiquer avec
ses clients ?
Certes, le nombre des utilisateurs est tel que la capacité matérielle
sollicitée ne fait qu’augmenter. C’est précisément pour cette raison que la
diversité des utilisateurs intervient. Tous ne sont pas tenus d’utiliser un
navigateur plutôt qu’un autre ou un logiciel de consultation de messagerie
plutôt qu’un autre. Tous ne sont pas tenus d’utiliser le détour via http://www.mail.tn/ pour consulter leur courrier.
Certains ont un seul compte, d’autres en ont plusieurs, d’autres encore accèdent
à leur compte une fois par semaine, d’autres plusieurs fois par jour. Le CCK
dispose-t-il de ces données pour jauger la diversité de sa clientèle
?
Afin de savoir où exactement le bat blesse, une enquête de satisfaction auprès de ses utilisateurs serait peut-être à l’ordre après cinq ans d’activités. Cela permettrait au CCK d’obtenir un feedback nécessaire à son amélioration, surtout en ce qui concerne la communication avec ses 10.000 et quelques clients.