La deuxième chance: Droit ou privilège?
La version originale de cet article a paru dans la revue L'Etudiant
No. 2, février 2011, page 14
Par Mohamed Louadi, PhD
D’où avons-nous hérité cet adage qui veut que l’erreur soit humaine (plutôt qu’animale?) et au nom duquel toute erreur est devenue permise – ou presque ?
Et à quoi est-il dû que l’erreur soit devenue si excusable qu’elle ait été du même coup institutionnalisée et que dès leur prime jeunesse nos enfants en deviennent imprégnés ? Ne deviennent-ils pas habitués à la session de contrôle et même à une ou plusieurs sessions de rattrapage qui viendraient colmater les brèches de la session de contrôle ? Le message tacite de la religion de la « deuxième chance » est que l’erreur est permise et qu’on n’est pas obligés de réussir du premier coup. On finit par réussir à l’usure et nous nous retrouvons avec une pléthore de médecins, d’avocats, d’experts comptables, d’ingénieurs, de directeurs, etc. qui ont de plus en plus de peine à trouver du travail. Entre-temps, on trouve des plombiers et des électriciens qui facturent 30DT de l’heure, parce que rares.
« La deuxième chance » et « l’erreur est humaine » sont devenues les nouveaux leitmotive, tellement enracinés dans notre société que des accessoires du droit à l’erreur ont vu le jour que nous, génération d’après l’indépendance, ne connaissions pas. Des écoles dites de la deuxième chance ont vu le jour en France en 1996. De la plume et l’encre indélébile nous sommes passés au blanco, sceptre sacré du droit à l’erreur ; la correction l’a ainsi cédée à l’esthétique.
« La deuxième chance », droit ou privilège, on ne sait plus ! Et plus le nombre des erreurs augmente et plus les deuxièmes chances augmentent. Si pour Morihei Ueshiba, l’échec est la voie du succès, pour Paul Eluard, les erreurs multipliées donnent la main au crime, autrement dit à la faute. Et on s’entête à mal interpréter des proverbes tels que l’échec est mère du succès. Où la nature nous a-t-elle appris la deuxième chance ? Nous ne vivons qu’une fois, et pour celle-là, nous ne naissons qu’une fois et ne mourons qu’une seule fois.
Certains écarts ne sont pas des erreurs mais des fautes et si l’erreur est humaine, il n’en est pas autant de la faute. Entre-temps nos machines se plient en rejouant du REWIND et le blanco nous permet de ne pas être obligés de l’avoir juste la première fois de sorte qu’un jour nous pourrions ne plus jamais l’avoir juste du tout.