Le métier de Webmaster

La version originale de cet article a paru dans la revue Le Manager

No. 79, février 2003, pages 26-27


Par Mohamed Louadi, PhD

Certains métiers disparaissent et d’autres apparaissent. Avec les progrès technologiques, cette évolution est encore plus marquée. Si les PC ont largement remplacé les machines à écrire, le métier de dactylo, quoique portant aujourd’hui d’autres appellations, persiste. L’on aura toujours besoin d’agent de saisie. Mais si de nouvelles technologies voient le jour, de nouveaux métiers apparaissent inéluctablement. Celui du Webmaster figure en bonne place dans toute nouvelle nomenclature des métiers. Pour en savoir plus sur ce qu’un Webmaster fait réellement, nous nous sommes adressé à un vrai Webmaster.

M. Marouen Mraihi, 22 ans, élève ingénieur inscrit dans la filière Réseaux Informatiques et Télécommunication à l’Institut National des Sciences Appliquées et de Technologie (INSAT) a bien voulu répondre à quelques-unes de nos questions. Ses réponses apparaissent ci après, sans retouche.

Le Manager: Une définition que l’on pourrait donner du Webmaster est qu’il est le garant du bon développement d'un site Internet et de son évolution. Certaines définitions s’étendent même à la conception, la réalisation et la création de pages et d'applications. Selon cette définition, un Webmaster serait en quelque sorte un chef d’orchestre. Qu’en pensez-vous?

Mohamed Louadi: Je dirais plutôt un réalisateur puisque généralement c’est à lui seul de donner la touche finale à l’application Web avant de la rendre opérationnelle en la mettant en ligne.

Personnellement, au début je faisais toutes les tâches depuis la conception graphique jusqu’à la mise en ligne du site. Dans un environnement professionnel, le Webmaster intervient à la phase de conception en prenant les décisions sur l’aspect esthétique et technique du produit à concevoir (plug-in, langages, plate-forme, …). Ensuite, c’est au Webmaster d’affecter les tâches à une ou plusieurs personnes selon les spécialités demandées et de coordonner le tout pour obtenir tous les éléments nécessaires pour la phase de «fusion» finale.

ML: De quel(s) site(s) vous occupez-vous actuellement ? Quelle est leur envergure ?

MM: Je m’occupe principalement du site du club technologique dont je suis membre et qui représente la filière Réseaux Informatiques de l’INSAT (http://www.insatech.net/). Ce site est devenu assez rapidement un lieu de rencontre et d’échange du savoir et des expériences entre les étudiants de l’INSAT et même d’ailleurs. Mon rôle est de veiller au «dynamisme» du site en faisant des mises à jour régulières et est également d’animer les différents forums en répondant -le plus souvent possible- aux interrogations techniques des visiteurs. Par ailleurs, j’assure la mise à jour et le suivi d’autres sites Web pour le compte de plusieurs sociétés de développement.

ML: Combien d’heures par jour allouez-vous à cette tâche actuellement ? Est-ce que la tâche demande plus/moins ?

MM: Cela dépend de la charge de travail que réclament mes études. Mais je fais cela souvent la nuit et ça peut varier d’une heure (de connexion aussi) à une nuit blanche. Je développe rarement pendant le jour J

ML: Avez-vous eu connaissance d’offres d’entreprises/organismes pour assurer les fonctions d’un Webmaster?

MM: Oui mais souvent ce sont des entreprises qui veulent un Webmaster à plein temps ce qui ne convient pas à ma situation actuelle. Le travail en Freelance ou à temps partiel me convient mieux actuellement.

ML: Pensez-vous que la fonction de Webmaster est une fonction externalisable et qu’un seul Webmaster peut assurer la responsabilité de plusieurs sites simultanément ? Est-il possible de le faire en mode télétravail ?

MM: Absolument. Lorsque le travail porte sur la forme plutôt que sur le contenu, cela est tout à fait possible de travailler de manière «nomade» sans point d’attache. De plus, le développement dynamique me donne la possibilité d’automatiser certaines fonctions de mise à jour à travers des interfaces Web qui peuvent éventuellement me permettre de déléguer la gestion du contenu à d’autres personnes.

ML: Quels outils utilisez-vous?

MM: Au début j’utilisais beaucoup les outils de conception WYSIWYG (what you see is what you get NDLR) tels que FrontPage et DreamWeaver, mais maintenant, avec les langages dynamiques, je préfère les éditeurs de texte qui offrent plus de souplesse et une meilleure vision du code source. Quant au graphisme, j’emploie plusieurs logiciels de création graphique, traitement d’image et conception d’animation. Il faut juste savoir les fonctionnalités et les limites de chaque application pour pouvoir bien l’exploiter.

ML: Où avez-vous appris à utiliser ces outils?

MM: Pour les outils graphiques, je pense que leurs éditeurs font du bon travail pour les rendre de plus en plus accessibles avec le minimum de connaissances en développement Web (je parle du statique). Toutefois, avant de pouvoir profiter des avantages qu’offrent ces outils, il faut bien en connaître les fonctionnalités avancées. Pour cela, j’ai la chance d’être entouré par plusieurs collègues et amis qui aiment comme moi «décortiquer» les dernières versions.

Les stages dans les sociétés de développement Web sont aussi importants pour acquérir le savoir-faire qui fait la différence entre un amateur et un professionnel.

ML: Continuerez-vous à assurer cette tâche ?

MM: Oui, je pense continuer à assurer cette tâche. Cependant, la filière que je poursuis m’oriente davantage vers des fonctions d’administration système : configuration des serveurs d’hébergement, gestion de la sécurité … Ce qui me semble complémentaire avec la fonction de base du webmaster.

ML: Recommanderiez-vous aux étudiants d’aujourd’hui et de demain de s’orienter vers ce genre de fonction ?

MM: Personnellement, le webmastering m’a forcé à comprendre très vite l’architecture de l’Internet et à utiliser certains de ses services avancés tels que les commandes FTP et Telnet et la gestion du DNS quelques années même avant que je n’y sois confronté dans mes études des réseaux informatiques. A mon avis, c’est une discipline que je recommande même comme compétence supplémentaire si elle n’a pas un rapport direct avec la nature des études suivies.

ML: Est-ce qu’une grande culture de l’Internet est nécessaire ?

MM: Cela dépend du degré du savoir faire souhaité par le webmaster. Mais je pense qu’un vrai webmaster est avant tout un internaute qui a un grand sens de l’observation et qui ne se limite pas à être ébloui par une animation ou une fonctionnalité dans un site sans essayer de comprendre le mécanisme. Et pour rester toujours «up to date», le webmaster doit avoir des références techniques (portails, forums, Newsletters, Mailing-Lists) pour suivre les évolutions et les tendances du moment.

ML: Est-ce que de grandes compétences informatiques sont nécessaires ?

MM: Grandes non, mais un minimum de connaissances est nécessaire pour pouvoir exploiter les applications de développement. Aussi pour pouvoir « passer au dynamique », il faut acquérir les notions de base de l’algorithmique pour assurer la cohérence et le bon fonctionnement du code écrit.

ML: Combien de temps faut-il pour former un Webmaster selon vous ?


MM: Cela dépend de la volonté de la personne et de son dévouement à cet « art ». J’ai eu l’occasion d’assister des personnes de plusieurs tranches d’âge et j’ai remarqué que les plus jeunes (moins de 20 ans) sont les plus attirés par la conception des sites Web parce qu’ils considèrent cela comme un « hobby » plus qu’un métier. Et moi-même je le considère toujours comme un hobby et c’est ce qui me pousse à rendre ma formation continue.

ML: Peut-on être autodidacte ?

MM: Du moment où tout les outils sont disponibles, rien n’empêche de l’être. Il faut juste apprendre à ne pas s’ennuyer devant l’écran du PC et toujours essayer de se fixer des petits projets même simples mais concrets et les enrichir avec les « astuces » découvertes par la suite.