Tant de technologie et tant de concentration!

Comment est-ce possible?

La version originale de cet article a paru dans la revue L'Économiste Maghrébin

No. 64, novembre 2001, page 52


Par Mohamed Louadi, PhD

Les tours du World Trade Center étaient fières de 110 étages de restaurants, de magasins et surtout de bureaux. L'explosion d'une bombe le 26 février 1993 tuant six personnes et blessant un millier d'autres était déjà une indication quant à l'espérance de vie probable des tours.

Quelques 50.000 personnes travaillaient dans le WTC et chaque jour entre 80.000 et 150.000 touristes et hommes et femmes d'affaires visitaient le complexe qui réunissait, outre les deux tours, cinq autres immeubles, le tout couvrant une surface totale de 6,5 hectares.

Le nombre exact des entreprises et des locataires du complexe varie entre 330 et 500 selon le CoStar Group Inc. (www.costargroup.com/wtc) et E-expedient.com (www.e-xpedient.com/). Dans son édition du 11 septembre, et le Las Vegas Sun avance même que le complexe réunissait près de 1.000 entreprises.

Les quatre avions, dont deux ont circoncis les deux tours à bonne hauteur, transportaient un total de 266 personnes auxquelles il faut ajouter les victimes de l'effondrement d'une partie du Pentagone et les pompiers, agents de l'ordre et autres sauveteurs piégés sous les décombres estimés à quelques 300. Comme dirait Rudolph Giuliani, maire de New York, cela fait plus de victimes que la plupart d'entre nous pouvons supporter. De fait, les cadavres étaient si nombreux autour des tours effondrées que les voitures roulaient dessus tant il était difficile de faire autrement confiait Louis Garcia, membre de la Emergency Medical Service, cité par un bulletin de l'Associated Press. Depuis la guerre de sécession, aucun évènement n'a fait autant de victimes américaines, pas même l'attaque de Pearl Harbor avec ses 2.390 morts.

Ces deux tours seules, réunissaient 70.000 téléphones et lignes de transmission de données. La plupart des entreprises ayant élu domicile dans le WTC avaient la bonne habitude de sauvegarder automatiquement leurs données. Mais d'autres, tels les cabinets d'avocats, n'en avaient souvent pas le loisir, vu qu'ils dépendent davantage de documents légaux et originaux. C'est ainsi que La Security and Exchange Commission (SEC) avait perdu toutes ses archives des années 1995 à 2000. Toutes les données perdues devront à présent être reconstituées manuellement.

Y avait besoin d'avoir autant de vies humaines et d'entreprises réunies dans ce que quelques hommes ont rendu une cible idéale pour un acte criminel d'envergure?

S'étant trouvés sans bureau, plusieurs employés travaillent à présent partir de leur domicile. Thacher Proffitt & Wood, une firme d'avocats, a loué un petit bureau provisoire, en attendant mieux. Pour eux, le télétravail n'est même plus une option vu que l'ordinateur qui servait naguère de serveur de données est lui aussi sous les décombres.

C'est pour dire qu'une telle concentration d'entreprises, d'individus et de technologie laisse perplexe à l'ère des technologies et de la délocalisation physique. Cela est d'autant plus étonnant dans le cas d'un pays leader dans l'utilisation innovante des ordinateurs et des réseaux informatiques. Ces technologies ne permettent-elles pas une nouvelle forme de travail appelée justement télétravail? Ces technologies ne permettent-elles pas de multiplier toute forme d'entreprises en autant de sites qu'il peut y avoir d'ordinateurs? Ces technologies ne permettent-elles pas que données et programmes informatiques soient en sécurité loin des locaux de l'entreprise? Près de huit ans après l'attentat de 1993, le scénario d'une catastrophe et la vulnérabilité des tours était pourtant prévisible.

Non seulement une telle concentration d'entreprises, d'individus et de technologie a offert une cible idéale pour les cerveaux des attentats, mais ces mêmes cerveaux jouissent d'exactement le contraire: ils sont non identifiés et surtout éparpillés de par le monde. A la concentration des victimes, ils opposent une dispersion rendant toute contre-offensive ardue, longue et douteuse.